L’appel general en français:
Du 16 au 25 septembre, l’armée suisse va mener un exercice intitulé « CONEX’15 » dans le nord-ouest de la Suisse. Cet exercice est destiné à préparer la troupe à une situation d’urgence réelle. Pendant que l’Europe et la Suisse se contentent d’assister à la noyade des dizaines de milliers de migrants au beau milieu de la Méditerranée, l’exercice en question résonne comme un comble de cynisme ; on se prépare et on apprend à se défendre contre une véritable invasion, dont l’armée nous fournit un scénario d’anticipation: «une Europe du futur, avec de nouveaux pays et de nouvelles frontières, traverse une crise économique. Les conséquences de cette crise s’étendent aussi à la Suisse : raréfaction des réserves, prolifération du marché noir et des organisations criminelles. Des stocks de blé, de gaz et de pétrole deviennent la cible de sabotages et de pillage. Par ailleurs, des tensions ethniques amènent des flux croissants de réfugiés en Suisse.»
Les scénarios de la menace
Cinq mille soldats seront déployés autour de Bâle. La surveillance des frontières et des « infrastructures de télécommunications, du réseau électrique et de la distribution alimentaire », particulièrement menacés, seront au centre de l’exercice. Ce spectacle sera soutenu, entre autres, par les ports Rhénans suisses, le centre hospitalier universitaire et les CFF (Chemins de Fer Fédéraux). Une exposition intitulée « Votre Armée » se tiendra à Muttenz du 19 au 22 septembre pour donner une vue d’ensemble sur la situation et sur l’utilisation des deniers publics au contribuable. Toute réflexion sur un système perfide qui produit les crises et qui en profite s’en trouve par ailleurs rejetée à l’arrière-plan. Lorsqu’il est question d’une « Europe du futur » et d‘ « une crise économique à venir », la fait que nous soyons déjà au coeur de cette situation est occulté. La dislocation de la zone économique européenne n’est pas fictive et la pression exercée sur la Grèce est bien réelle. Mais il s’agit d’un état permanent et non d’une crise.
Même si la Suisse ne fait pas partie de l’Europe et semble s’en laver les mains, il s’agit là d’une tactique astucieuse pour profiter de la situation. La consolidation d’un régime migratoire répressif, soutenu notamment par la construction de camps fédéraux est accompagnée d’une protection du bastion financier helvétique. Derrière la neutralité diplomatique et la démocratie se poursuit la coproduction de la pauvreté mondiale à travers la spéculation financière sur les matières premières, les expropriations engendrées par le droit suisse des brevets et les conflits alimentés par les exportations d’armes.
La sauvegarde des privilèges
Le scénario élaboré par CONEX’15 tente de légitimer l’existence de l’armée dans une Suisse neutre. La guerre contre un état étranger ne constitue plus la raison d’être de l’armée suisse. Depuis vingt ans, le maintien de l’ordre intérieur est la mission avouée de l’armée qui a déjà exercé des missions de police ces dernières années. Ainsi ce sont de prétendus conflits ethniques qui provoqueraient des flux migratoires vers la Suisse riche. Une population avide viendrait piller nos ressources , poussée par la crise économique. Les notions d‘ »ennemis intérieurs » et d‘ »organisations criminelles » laissent penser à une guerre de tous contre tous, barbares et hors-la-loi d’ici et d’ailleurs contre l’édifice de la civilisation, contre la loi et l’ordre.
Quant à nous, nous voyons simplement une guerre des riches contre les pauvres, un contrôle de la population et des tactiques de contre-insurrection pour garantir les privilèges et conserver le pouvoir.Gouverner signifie contrôler
Des scénarios de ce type permettent et légitiment la contre-insurrection locale et globale menée contre les populations pauvres et largement exclues des avantages du système. Les contrôles frontaliers renforcés, les caméras installées dans la ville et les démonstrations de force telles que CONEX’15 tentent d’instaurer un sentiment de sécurité et de stabilité autour des conditions de vie existantes. L’état de choc produit par ces spectacles-catastrophes fonctionne comme un outil de déstabilisation contrôlée qui vise à fonder le maintien de l’ordre public. Ils nous laisse sans voix et impuissants, désirant plus de sécurité et de protection, colonisant nos esprits et agissant dans nos vies quotidiennes.
La désertion préférable à l’obéissance
Nous ne voulons pas nous laisser gouverner par un Etat paranoïde. Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans l’ordre établi. Nous répondons au Capital et à l’exploitation par la solidarité; à l’impuissance par l’action collective. Nous ne sommes pas des idiots inaptes à l’action et nous ne voulons pas assister passivement à cette guerre que mène l’Etat contre des pauvres et des exclus munis de „faux papiers“. Nous invitons donc tous les antimilitaristes, tous les antiautoritaires et plus largement tous ceux qui n’ont pas accès aux privilèges jalousement gardés par les élites à venir à Bâle du 16 au 25 septembre. Nous vous invitons pour ne pas laisser nos vies et la ville dans laquelle nous vivons se faire militariser. Accrochez à vos fenêtres des pancartes disant „CONEX dégage!“. Refusez à la troupe de se restaurer dans vos bars et cafés. Refusez de servir les soldats. Ils servent l’élite, pas nous! Engageons-nous ensemble pour troubler les interventions militaires. Montrons-leur qu’ils sont malvenus. Nous leur disons : „Désertez!“
Manifs, actions & discussions
Plusieurs manifs et actions sont déjà prévues du 17 au 20 septembre. Prenez note de la date et venez toutes et tous à Bâle. Il y aura des points de contact sur place pour vous informer. Nous vous appelons à réfléchir à la manière adéquate dont vous pourriez agir et à choisir les moyens qui vous paraîtront appropriés. Non seulement dans les jours et les semaines qui précéderont mais aussi lors du déroulement de CONEX’15, il nous faudra ouvrir des espaces où nous retrouver, pour échanger et approfondir les questions de fond. L’exercice militaire ne dure que quelques jours, mais notre combat contre toute forme de domination est quotidien. Car il ne suffit pas seulement de revendiquer l’abolition de l’armée, de critiquer la participation discrète de la Suisse aux guerres partout dans le monde ou aux projets de recherche pour les œuvres militaires ou encore de dénoncer le lobby de l’armement.
Développons la solidarité et l’entraide mutuelle au lieu de la menace, de la peur et de la conservation des privilèges !
Contre ce monde de domination, construisons nos mondes!